Nilfheim, village de guerre

Le soldat repose sa plume. Yakdaack est dans le registre, si l’armée marche au sud, il marchera au sein du troisième bataillon mercenaire.

Niflheim est un vrai tohu-bohu. Ses pavés ont rarement vu autant de semelles, la grand-rue est impraticable pour celui qui ne joue pas des épaules. Yakdaack n’aime pas ça, vraiment pas. Il faut qu’il quitte ce flot d’Hørdijks. Les cornes démesurées de son casque cognent une tête, une mauvaise tête. La barbe brune jette son bras en avant et saisit l’épaule de notre cornu.

« Hey toi ! »

Yakdaack se stoppe. Il clôt les paupières et expire fort.

« Tu t’excuses ? »

Yakdaack saisit la main et la retourne sèchement de sorte à briser le poignet de l’autre qui gueule sa douleur. Quand barbe brune relève les yeux, la mâchoire contractée, il ne voit plus notre homme. Yakdaack en a vraiment sa claque, il tire bien la gueule, c’est pas le moment de jouer les messieurs offusqués avec lui. Le voilà sur un bord du torrent hørdijk, voilà une ruelle, enfin. Il avance, rien d’intéressant dans cette veine résidentielle. Il débouche dans une rue et rebelote, un monde incroyable. Son visage pivote sur la gauche, une taverne à quelques mètres d’ici. Bille en tête, le guerrier cornu se met en marche, le pas ferme, écartant ceux qui le gênent sans ménager leurs vêtements. Il franchit le seuil de l’établissement. Là aussi, du monde. Bon, il va au comptoir. Son œil dilaté décide un autre guerrier à se pousser. Yakdaack montre sa figure pas commode à celui qui nettoie les verres de ce rade. Sa voix gutturale raidit les gros poils qui saillissent des oreilles du barman.

« Brune, beaucoup de mousse. »

C’est dit fort mais tranquillement. On s’occupe de lui rapidement. Il se retourne pour jeter un œil à la salle, sa bière au poing. Il renifle le mercenariat. L’appel a été entendu, pas de doute. Ce village est une foutue caserne, prête à jeter ses milliers de lames dans le ventre firen.

L'histoire du monstre marin

« T’as entendu parlé du gros poisson à la Dent de Loup ? »

« De quoi tu parles ? »

Yakdaack tend l’oreille vers ses voisins de comptoir.

« Un pêcheur firen a failli y passer à ce qu’on raconte. La bête mesure bien dix mètres de long et nage a une vitesse prodigieuse. Mon oncle me disait que la rive sud a jamais été aussi tranquille, plus un seul firen pour te polluer l’air ! »

« Mouais. Enfin si cette bestiole ne trouve pas chasseur, ça va être un carnage, on trouvera plus une truite dans la rivière. Te parle même pas des dégâts si elle atteint la mer intérieure.

« On se l'offre ? »

« Peuh ! Sans-moi. »

« Ah. T'as pris un coup d'vieux toi non ? »

« La ferme. »

Intéressant pense notre homme. L’idée fait très vite son chemin, une petite partie de pêche loin du tumulte, Yakdaack s’y voit déjà. Il tue ce monstre, revient ici avec sa tête, récolte or et gloire. L’affaire tombe à point, le guerrier cornu ne comptait pas attendre ici que l’armée se décide enfin à marcher au sud. Il se verse le restant de sa bière dans le gosier. Il sort d’un pas décidé, achète de la viande séchée et remplit sa bourache. Et il quitte comme il peut Niflheim, grognant à l’intérieur, le visage fermé.